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Israël/Palestine: «La guerre à Gaza est un deuxième traumatisme, qui s'ajoute à celui de la Nakba»

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Neuf mois de guerre à Gaza, 7-Octobre en Israël, autant de nouveaux chapitres dans l’interminable conflit israélo-palestinien. Sous la plume de trois anciens correspondants du journal Le Monde dans la région, Benjamin Barthe, Gilles Paris et Piotr Smolar, le livre La guerre sans fin, publié aux éditions de l'Aube, revient sur les origines du conflit : « De la naissance du sionisme, sur fond de persécutions antijuives, à la fin du XIXe siècle, au raidissement identitaire d’Israël et à l’impasse politique palestinienne qui menacent, d’enterrer la solution à deux États ». Entretien avec l'un des auteurs, Benjamin Barthe.

RFI : Vous avez choisi d'éclairer le conflit actuel à Gaza en mettant en exergue cinq chapitres de l'histoire de la Palestine et d'Israël. Parmi ces chapitres, la création de l'État israélien en 1948, au lendemain de la Shoah. La naissance de cet État s'est faite dans la douleur pour la population arabe, majoritaire dans la Palestine mandataire. C'est la fameuse Nakba, qui fait écho à ce qui se passe aujourd'hui à Gaza.

Benjamin Barthe : Oui, effectivement, c'est un peu le traumatisme fondateur qui, aujourd'hui, est peut-être dépassé en matière de tragique par ce qui se passe à Gaza. Il faut bien comprendre que Gaza, en termes de tueries, en termes de déplacements de population, c'est beaucoup plus massif que ce à quoi on a assisté en 1948 lors de la Nakba. Donc, il y a un deuxième traumatisme qui est en train de se surajouter à celui de 1948, qui est celui de Gaza, qui est vécu de manière extrêmement violente par toute la population palestinienne, en Cisjordanie, à Gaza évidemment, et puis également en Israël, au sein de la population palestinienne d'Israël.

Donc la Nakba, qu'est-ce que c'est ? C'est le naufrage, c'est l'engloutissement de la Palestine. Il y avait un pays et en l'espace de quelques semaines, l'essentiel de la population est expulsée de ses foyers. Et à la place de cette population s'installe une population juive qui va très très vite croître parce que, à partir de la création de l'État d'Israël en mai 1948, le nouvel État va faire venir d'autres populations, notamment du monde arabe, qui vont s'installer dans les maisons, dans les domiciles désormais vacants des Palestiniens qui ont été obligés de faire place nette et qui sont partis s'installer dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, à Gaza, au Liban, en Jordanie et en Syrie.

À lire aussi75 ans de la Nakba: «Cette histoire est aussi notre histoire à nous, Israéliens»

Ce conflit israélo-palestinien est marqué par une « malédiction », dites-vous dans la préface de votre livre. C'est une succession d'occasions manquées de créer un État palestinien, de faire la paix. Les Israéliens et les Palestiniens se renvoient les responsabilités depuis des dizaines d'années. À qui la faute, finalement ?

Je me garderai de conclure afin de répondre de manière tranchée et catégorique à cette question. Ce qui est évident, c'est qu'il y a eu à un moment — au début du processus de paix, alors que tous les paramètres incitaient au pessimisme — une espèce d'alchimie qui s'est mise en place entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, mais qui très vite va avorter avec l'assassinat de Yitzhak Rabin en 1995. Donc, on ne sait pas, en définitive, si ces deux hommes auraient eu la possibilité de faire le chemin jusqu'au bout. Il y a eu des négociations, il y a eu des ébauches d'accords de paix qui ont été rédigées des deux côtés. Mais il n'y a jamais eu ce frémissement qu'on a senti à l'époque d'Oslo et qui aurait pu, dans un autre contexte, sans l'assassinat de Yitzhak Rabin, sans également les attentats suicides qui ont également contribué à crisper les positions, sans la poursuite de la colonisation — le troisième facteur extrêmement déstabilisateur. Sans tous ces paramètres-là, on aurait pu déboucher à autre chose. L'histoire aurait pu être différente.

Il y a eu les attaques atroces du 7-Octobre commises par le Hamas et la réplique disproportionnée d'Israël contre les Gazaouis. Vous écrivez à la fin de votre livre : « Pour Israël comme pour le Hamas, l'heure du bilan devra venir. » Mais la solution, semblez-vous dire, ne peut venir que de pressions extérieures ?

Les gouvernements israéliens successifs n'ont jamais été obligés de payer le prix du statu quo. Le maintien du statu quo a toujours été moins coûteux et moins dommageable politiquement que le risque de la paix. Autrement dit, tant qu'il n'y aura pas de pression véritable sur le gouvernement israélien, tant qu'il n'y aura pas, peut-être, des formes de sanctions, un rappel très net au droit international et à l'obligation du respect du droit international, il est assez vain d'imaginer que le gouvernement israélien se conforme à ce droit international et aux obligations qui en incombent. Donc, il y a véritablement, de ce point de vue là, une responsabilité de la communauté internationale très, très forte qui, plutôt que de répéter de manière un peu incantatoire, un peu lancinante et somme toute assez vaine, les éléments de langage du processus de paix, comme on l'a vu dans les années 1990, la condamnation de la colonisation, etc. Désormais, il faut que l'appel à la création d'un État palestinien s'accompagne de véritables leviers de pression, de quelque chose de beaucoup plus concret et de moins rhétorique que pendant les années d'Oslo.

À écouter aussiGaza, un désastre humanitaire

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RFI : Vous avez choisi d'éclairer le conflit actuel à Gaza en mettant en exergue cinq chapitres de l'histoire de la Palestine et d'Israël. Parmi ces chapitres, la création de l'État israélien en 1948, au lendemain de la Shoah. La naissance de cet État s'est faite dans la douleur pour la population arabe, majoritaire dans la Palestine mandataire. C'est la fameuse Nakba, qui fait écho à ce qui se passe aujourd'hui à Gaza.

Benjamin Barthe : Oui, effectivement, c'est un peu le traumatisme fondateur qui, aujourd'hui, est peut-être dépassé en matière de tragique par ce qui se passe à Gaza. Il faut bien comprendre que Gaza, en termes de tueries, en termes de déplacements de population, c'est beaucoup plus massif que ce à quoi on a assisté en 1948 lors de la Nakba. Donc, il y a un deuxième traumatisme qui est en train de se surajouter à celui de 1948, qui est celui de Gaza, qui est vécu de manière extrêmement violente par toute la population palestinienne, en Cisjordanie, à Gaza évidemment, et puis également en Israël, au sein de la population palestinienne d'Israël.

Donc la Nakba, qu'est-ce que c'est ? C'est le naufrage, c'est l'engloutissement de la Palestine. Il y avait un pays et en l'espace de quelques semaines, l'essentiel de la population est expulsée de ses foyers. Et à la place de cette population s'installe une population juive qui va très très vite croître parce que, à partir de la création de l'État d'Israël en mai 1948, le nouvel État va faire venir d'autres populations, notamment du monde arabe, qui vont s'installer dans les maisons, dans les domiciles désormais vacants des Palestiniens qui ont été obligés de faire place nette et qui sont partis s'installer dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, à Gaza, au Liban, en Jordanie et en Syrie.

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Ce conflit israélo-palestinien est marqué par une « malédiction », dites-vous dans la préface de votre livre. C'est une succession d'occasions manquées de créer un État palestinien, de faire la paix. Les Israéliens et les Palestiniens se renvoient les responsabilités depuis des dizaines d'années. À qui la faute, finalement ?

Je me garderai de conclure afin de répondre de manière tranchée et catégorique à cette question. Ce qui est évident, c'est qu'il y a eu à un moment — au début du processus de paix, alors que tous les paramètres incitaient au pessimisme — une espèce d'alchimie qui s'est mise en place entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, mais qui très vite va avorter avec l'assassinat de Yitzhak Rabin en 1995. Donc, on ne sait pas, en définitive, si ces deux hommes auraient eu la possibilité de faire le chemin jusqu'au bout. Il y a eu des négociations, il y a eu des ébauches d'accords de paix qui ont été rédigées des deux côtés. Mais il n'y a jamais eu ce frémissement qu'on a senti à l'époque d'Oslo et qui aurait pu, dans un autre contexte, sans l'assassinat de Yitzhak Rabin, sans également les attentats suicides qui ont également contribué à crisper les positions, sans la poursuite de la colonisation — le troisième facteur extrêmement déstabilisateur. Sans tous ces paramètres-là, on aurait pu déboucher à autre chose. L'histoire aurait pu être différente.

Il y a eu les attaques atroces du 7-Octobre commises par le Hamas et la réplique disproportionnée d'Israël contre les Gazaouis. Vous écrivez à la fin de votre livre : « Pour Israël comme pour le Hamas, l'heure du bilan devra venir. » Mais la solution, semblez-vous dire, ne peut venir que de pressions extérieures ?

Les gouvernements israéliens successifs n'ont jamais été obligés de payer le prix du statu quo. Le maintien du statu quo a toujours été moins coûteux et moins dommageable politiquement que le risque de la paix. Autrement dit, tant qu'il n'y aura pas de pression véritable sur le gouvernement israélien, tant qu'il n'y aura pas, peut-être, des formes de sanctions, un rappel très net au droit international et à l'obligation du respect du droit international, il est assez vain d'imaginer que le gouvernement israélien se conforme à ce droit international et aux obligations qui en incombent. Donc, il y a véritablement, de ce point de vue là, une responsabilité de la communauté internationale très, très forte qui, plutôt que de répéter de manière un peu incantatoire, un peu lancinante et somme toute assez vaine, les éléments de langage du processus de paix, comme on l'a vu dans les années 1990, la condamnation de la colonisation, etc. Désormais, il faut que l'appel à la création d'un État palestinien s'accompagne de véritables leviers de pression, de quelque chose de beaucoup plus concret et de moins rhétorique que pendant les années d'Oslo.

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